Politique

Grands Lacs : Les FDLR plaident pour un dialogue direct avec le gouvernement rwandais

Dans une correspondance adressée le 2 juillet 2025 au président des États-Unis d’Amérique, les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) appellent à un dialogue direct avec le gouvernement de Kigali, estimant qu’il s’agit de la voie la plus réaliste pour parvenir à une paix durable dans la région des Grands Lacs africains.

Cette prise de parole intervient quelques jours après la signature de l’Accord de paix de Washington (le 27 juin 2025) entre la République Démocratique du Congo et la République du Rwanda, sous médiation américaine. Le mouvement rebelle, souvent qualifié de groupe armé génocidaire par Kigali, se présente au contraire comme un acteur politique en exil, engagé depuis plus de deux décennies dans ce qu’il qualifie de lutte pour les droits des réfugiés hutus rwandais.

Dans cette lettre signée depuis leur “bureau du président”, les FDLR félicitent le président américain pour avoir “brillamment réussi là où d’innombrables acteurs ont échoué pendant trois décennies”, en facilitant la signature d’un accord de paix entre Kinshasa et Kigali. Elles saluent également le rôle de la communauté internationale, de la SADC à la Communauté de Sant’Egidio, en passant par l’Union Africaine, l’Union Européenne, l’EAC, et les Nations Unies.

Nous soutenons toutes les initiatives sincères visant à ramener une paix véritable et durable”, peut-on lire, tout en dénonçant “les conflits armés récurrents” qui ravagent la région depuis des décennies.

Un rejet de l’étiquette de « groupe génocidaire »

Les FDLR saisissent cette occasion pour rejeter formellement l’image de groupe terroriste ou génocidaire qui leur est souvent attribuée, notamment par le gouvernement rwandais. Elles accusent Kigali d’instrumentaliser le génocide de 1994 pour discréditer toute opposition politique en exil.

Contrairement à la propagande du régime rwandais, les FDLR n’ont jamais été une menace pour le peuple rwandais, dont elles sont issues”, soutient le document. Le groupe revendique une origine politique et militaire remontant à l’année 2000, avec pour mission initiale de “protéger les réfugiés rwandais rescapés” des exactions du FPR-Inkotanyi, l’actuel parti au pouvoir au Rwanda.

Dans une volonté de se repositionner comme acteur de paix, les FDLR rappellent leur implication dans divers processus régionaux, parmi lesquels :

• le désarmement volontaire de 1500 combattants,

• leur cantonnement à Kamina en 2001,

• la Déclaration de Rome (2005) et la Conférence de Goma (2008),

• les rencontres de Chambucha et Nyabiondo avec les autorités congolaises et les églises,

• ainsi que la participation à des pourparlers facilités par Sant’Egidio en 2014, en présence de diplomates américains et européens.

Malgré ces efforts, les FDLR dénoncent un “sabotage systématique” des processus de paix par Kigali, qu’ils accusent d’avoir mené ou soutenu des opérations militaires conjointes avec les FARDC ayant causé, selon eux, des “centaines de milliers de morts et de déplacés”, notamment lors des opérations Umoja Wetu, Kimia, Amani Leo, et Sokola entre 2009 et 2015.

La lettre conclut sur une volonté claire : obtenir une reconnaissance politique comme interlocuteur légitime, et un dialogue direct avec le gouvernement rwandais, en présence de médiateurs internationaux. Le FDLR affirme ne pas chercher à prendre le pouvoir à Kigali, mais à défendre les droits des réfugiés rwandais installés à l’Est de la RDC depuis 1994, qu’ils considèrent comme des victimes des massacres commis après le génocide.

Notre projet n’est pas de neutraliser le Rwanda, mais de garantir les droits et la sécurité des réfugiés hutus”, résume le mouvement.

Cet appel intervient dans un contexte complexe où l’image des FDLR reste entachée par leur historique controversé et les accusations portées par les autorités rwandaises. Si certaines initiatives internationales ont inclus ce mouvement dans des processus de désarmement, aucune négociation directe avec Kigali n’a jamais été ouverte, du fait de leur implication présumée dans les crimes de 1994.

Le regain d’intérêt diplomatique autour de la région des Grands Lacs, symbolisé par l’accord de Washington, pourrait rouvrir le débat sur la place des acteurs armés exilés dans la recherche d’une paix globale.

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